Yanick, comment va le 4×4 au Québec ?

Dave : Salut Yanick, merci de prendre le temps de discuter avec nous. J’ai voulu te donner la parole aujourd’hui parce que tu es un véritable vétéran dans ce domaine, un « vieux routier », et tu as vu l’évolution de ce sport au fil des années. Pour commencer, peux-tu nous parler un peu de ton parcours 4×4, surtout pour les nouveaux venus dans ce monde ?

Yanick : Salut Dave ! Merci à toi pour ton intérêt pour ce sport que je défends depuis très longtemps. J’ai commencé la pratique du 4×4 en 1996 avec un Bronco Full Size de 1988. En 1999, j’ai construit mon premier buggy inspiré du Scorpion du Top Truck Challenge USA de 1997, avec un budget très limité. C’était surtout pour faire de la trail, et cela a été un vrai succès. Le nom de « Y-TOUGH » est né à ce moment-là, car à chaque sortie, mes amis me disaient que mes modifications avaient l’air de « patentes », mais que ça tenait le coup.

À l’époque, le Top Truck Challenge était un rêve pour tous les amateurs de off-road. On en parlait souvent, on achetait les magazines, et on votait pour les trucks qu’on voulait voir participer. Après cinq ans de trail intense, en 2004, j’ai reçu un appel qui allait changer ma vie. Un gars d’une ville que je ne connaissais même pas m’a demandé si je voulais participer à une compétition de type Top Truck Challenge, mais version québécoise. Ma réponse a été directe : « Oui, M. Berger, j’y serai avec grand plaisir. » Depuis ce jour, je me suis concentré sur les événements et j’ai mis de côté la trail. De 2004 à 2024, je n’ai pas manqué une seule année, sauf durant le confinement. J’ai participé à environ 80 à 100 événements de type compétition, et une vingtaine à trente événements de représentation (salons, shows, événements comme Overland, etc.). J’ai eu la chance de rencontrer des gens incroyables et passionnés.

Il y a tellement de moments marquants que je ne pourrais pas tout lister, mais je citerai quelques-uns :

  • Le Québec Top 4×4, un vrai coup de cœur avec les inscriptions par la poste, où on attendait avec impatience de savoir si on était sélectionnés.
  • Le Super 4, avec des performances exceptionnelles et des situations mémorables.
  • Le NWORC, qui offrait une expérience incroyable grâce à un accueil chaleureux et des pistes originales et très intenses.
  • Le Rock Crawl de Rigaud, où trois revues américaines étaient présentes pour couvrir l’événement, qui a d’ailleurs fait l’objet d’articles élogieux.

Dave : C’est vraiment impressionnant, ton parcours. Maintenant, parlons des machines. Peux-tu nous dire comment tu vois l’évolution des véhicules et des setups en compétition ces dernières années par rapport à tes débuts ?

Yanick : Le changement est incroyable. En 2004, lors de ma première compétition, j’étais équipé de pneus TSL 38’’, avec une suspension arrière à lames et à l’avant, deux ressorts à bobine attachés bout à bout avec des U-bolts pour obtenir plus de débattement. Le moteur était un carburateur classique. Aujourd’hui, les machines sont bien plus sophistiquées : des géométries de suspension calculées, des amortisseurs by-pass, des pneus à gomme collante, des directions à quatre roues avec retour automatique, des moteurs à injection, turbo, blower, etc.

En 1999, je me donnais un budget annuel de 400$ pour le sport (trail). En 2004, avec les compétitions, mon budget passait à 2-3000$, essence incluse. Aujourd’hui, un buggy de compétition peut coûter entre 15 000$ et 100 000$ à l’achat, voire plus pour certains. Sans compter les dépenses d’environ 1000$ pour un week-end de compétition, si la machine ne casse pas. Les nouvelles machines sont calibrées et testées à un tel niveau que la seule limite est l’investissement du propriétaire et ses connaissances.

Dave : Cela nous amène à une question importante. Il semble y avoir eu une fracture dans ce sport avec l’évolution des types d’événements. Une certaine division semble s’être installée, à la fois entre les pilotes et les spectateurs. Qu’en penses-tu ?

Yanick : C’est une grosse question, Dave. Mon avis se base sur 30 ans de pratique du off-road. Il y a 30 ans, les amateurs faisaient principalement de la trail et du muddrag. Le muddrag, très populaire à l’époque, a perdu en popularité pour plusieurs raisons : moins de diversité parmi les participants, l’apparition de nouveaux sports, des machines de plus en plus performantes, etc. Vers les années 2000, le rock crawling devenait de plus en plus populaire, mais l’arrivée des compétitions à obstacle a un peu éclipsé ce genre de pratique au Québec. En 2004, les compétitions d’obstacles ont pris de l’ampleur et ont offert un vrai show au public, attirant en moyenne 3000 spectateurs, avec parfois 40 compétiteurs inscrits par événement, jusqu’au confinement de 2020.

Le confinement a aussi fait réaliser que les compétitions de 4×4 ne sont pas la seule chose dans la vie. Bien que certains événements aient bien survécu, aujourd’hui, parmi les 7 à 8 événements qui se tenaient par an, il en reste seulement 3 ou 4.

Et puis, il y a cette nouvelle tendance, les compétitions de type Ultra4, avec des suspensions impressionnantes et des géométries de direction tellement avancées que les pilotes ont l’impression de rouler sur asphalte. Je ne suis pas un grand fan de ces compétitions, mais je respecte l’intérêt des pilotes pour ce type d’événements. Personnellement, je trouve que cela manque de spectacle pour les spectateurs, qui, comme en Formule 1, ne voient qu’une petite partie du show. Je pense aussi que la différence entre un côte-à-côte et un Ultra4 n’est pas si grande, ce qui dilue l’intérêt pour les amateurs de 4×4 au Québec. Le côte-à-côte a aussi joué un rôle dans cette division, car il a attiré beaucoup de passionnés, les poussant à quitter les compétitions pour passer plus de temps en famille dans les bois.

Les côte-à-côte sont des machines super performantes, légères, et qui se conduisent presque comme des Formule 1. Elles ont leur place dans les événements de compétition, mais cela dilue encore plus l’intérêt pour les compétitions à obstacles traditionnelles. Cela crée une sorte de division.

En fin de compte, je pense que le public préfère toujours les compétitions à obstacles, et je crois que ces événements sont là pour durer. Les organisateurs et les compétiteurs jouent un rôle essentiel pour attirer les spectateurs et rendre le sport plus populaire.

Dave : Effectivement, la chimie entre les compétiteurs a toujours été un aspect important du 4×4. Penses-tu que cette entraide et cette ambiance festive sont toujours présentes aujourd’hui ?

Yanick : Oui, absolument. L’entraide, la solidarité, l’ingéniosité, et le dépassement de soi font que la communauté 4×4 est unique. Quand on doit créer sa propre machine de course, il est impossible de s’en sortir seul. C’est vraiment une communauté qui se soutient et qui donne un spectacle. Depuis ma première compétition, jusqu’à aujourd’hui, les événements se terminent toujours autour d’un feu, avec une bière à la main, même si on ne connaît pas bien la personne à côté de nous. Parfois, il y a des exceptions, comme certains pilotes qui ont du mal à s’intégrer, mais avec le temps, ça se passe toujours bien.

Dave : Et selon toi, est-ce que la compétition de 4×4 est en bonne santé ? Est-ce qu’il y a un avenir pour ce sport ?

Yanick : Je crois qu’on vient de passer à travers une période difficile, mais ça va aller. Les organisateurs qui sont encore actifs font un excellent travail, et progressivement, ceux qui étaient en pause vont reprendre du service. De nouveaux organisateurs gagnent en popularité et vont bientôt devenir incontournables. Tant qu’il n’y a pas d’accident majeur, je pense que ce sport a un bel avenir. Il doit juste rester ouvert aux nouvelles idées et accepter le changement.

Dave : Dernière question, on te voit de moins en moins en compétition, et un nouveau pilote fait son apparition pour Y-TOUGH. Peux-tu nous en dire un peu plus sur tes plans et si tu comptes revenir pour les prochaines saisons ?

Yanick : À bientôt 52 ans, je n’ai pas l’intention de quitter ce sport de sitôt, haha. La première raison, c’est que j’aime la communauté. À chaque compétition, elle m’a manqué. En réalité, je n’ai pas mis les compétitions de côté, mais je choisis celles qui s’intègrent dans mon emploi du temps d’entrepreneur. Je priorise celles qui m’intéressent le plus, surtout que j’ai mes habitudes avec des événements comme le Québec Top 4×4, le Super 4 de St-Barnabé, et le NWORC. Mon entreprise me prend beaucoup de temps, ce qui m’a fait manquer quelques événements, mais j’espère pouvoir revenir à 100% dans un avenir proche.

Mon fils Simon, depuis qu’il est enfant, regarde nos vidéos et rêvait de piloter Y-TOUGH. J’ai même commencé à construire un buggy pour la petite classe, mais le jeune est maintenant capable de piloter le Y-TOUGH ! Ce serait difficile de lui laisser le volant, mais j’espère que les organisateurs seront compréhensifs et nous permettront d’échanger le volant de temps en temps. Sinon, j’aurai un choix difficile à faire : abandonner mon volant ou laisser mon fils piloter, haha. On verra bien, peut-être que ma fille Mélodie prendra aussi ma place et me poussera à faire du côte-à-côte ! En tout cas, j’ai hâte de vous retrouver tous, compétiteurs et spectateurs, dans les prochaines saisons.


Merci de ton temp et implication Yanick, Bonne chance dans le futur!

Dave Chroniqueur 4x4setupMagazine

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